Bonheur d’occasion
Alain et Lucie, sur les traces d’un auteur…
Nous avons écrit un petit texte sur une œuvre de Gabrielle Roy Bonheur d’occasion, roman relu récemment.
Gabrielle Roy est une écrivaine canadienne française née au Manitoba en 1909 et morte en 1983.
Nous avons joint également quelques photos originales qui évoquent son roman.
Bonheur d’occasion, Gabrielle Roy
Ce premier roman de Gabrielle Roy a été publié en juin 1945, et a reçu le Prix Femina en 1947, une première pour un écrivain canadien.
Bonheur d’occasion, c’est Zola à Montréal au début des années 1940 : la Grande Dépression qui s’étire, et le début de la Deuxième Guerre mondiale. Gabrielle Roy décrit avec minutie le quartier Saint-Henri, dans le sud-ouest de Montréal : un quartier canadien-français (comme on disait à l’époque), à la limite de secteurs anglophones.
Là vit une population très défavorisée, avec des familles nombreuses de huit à dix enfants, dont le père, souvent chômeur, fréquente assidûment les tavernes. C’est la famille Lacasse que l’on suit : le père, Azarius, qui vit de petites combines, la mère, Rose-Anna, qui essaie de trouver à manger à ses huit enfants (sans compter celui qui s’en vient) et à les loger.
L’aînée, Florentine, travaille comme serveuse au restaurant d’un « 5-10-15 » (magasin à rayons pour classes populaires, qu’on appelait aussi un « 15 cents » au Québec). Son frère Eugène est au chômage comme son père. Autour d’eux fourmillent des personnages aux opinions très diverses dans cette période troublée. L’entrée du Canada en guerre constituera pour nombre d’entre eux une solution, toute occasionnelle soit-elle, à cette misère.
Gabrielle Roy a gardé un équilibre entre un français plutôt classique et la langue populaire de ce quartier de Montréal. Une façon d’écrire qu’on retrouvera deux décennies plus tard chez Michel Tremblay, mais avec plus d’insistance. D’ailleurs, Michel Tremblay consacre à Bonheur d’occasion tout un chapitre d’un de ses livres, intitulé Un ange cornu avec des ailes de tôle (publié en 1994 chez Leméac – Actes Sud) : « C’était la première fois que je lisais un roman écrit dans ma ville (…) où Dieu n’était pas automatiquement au bout de chaque destin, et je n’en revenais pas. (…) Il n’y avait pas de morale dans le livre de Gabrielle Roy, la pauvreté ne s’expliquait pas, la lâcheté n’était pas punie, une jeune fille enceinte n’était pas coupable d’un ineffaçable péché. (…) Et tout ça [se passait] dans ma langue à moi. »
Nous sommes allés faire une excursion rue Fabre, sur le Plateau Mont-Royal, à Montréal, lieu de naissance de Michel Tremblay (né en 1942). Nous avons d’abord photographié le devant du 4690 rue Fabre. C’est ce qu’on appelle un triplex (trois étages). Sa famille habitait le deuxième niveau (là où est la bassine bleue) jusqu’à ce qu’il ait l’âge de neuf ans. Au Canada, on compte les étages à partir du 1 (qui est le rez-de-chaussée). Maison construite autour des années 1920. Chaque logement a sa propre entrée à l’extérieur. Comme c’était pendant la guerre, ils étaient trois familles à loger dans cet appartement de six pièces (ici la cuisine compte pour une pièce).
L’arrière des maisons débouche sur une cour, laquelle donne sur une ruelle, un peu comme il en existe en Angleterre. La ruelle avait une fonction purement utilitaire (livraisons, collecte des ordures), mais ici elle servait aussi de terrain de jeu pour les enfants du voisinage. Des ensembles de cordes à linge couraient au-dessus des cours. À l’époque, ces cours et les ruelles n’étaient pas aménagées avec verdure et clôtures. Donc on passait facilement d’une cour à l’autre. Aussi les femmes se parlaient quotidiennement d’un balcon à l’autre tout en pendant leur linge, ou simplement commérer.
Michel Tremblay s’est inspiré de tout cet univers de son enfance pour mettre en scène les premiers personnages des pièces de théâtre d’abord, puis de ses premiers romans.
Crédits photos : Lucie et Alain. Tous droits réservés
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